Le Roi Dragon N°29 – L’inéluctable présence d’Êtres éveillés

Dans les conférences que O’Sensei a donné à l’occasion d’échanges avec Maître Goi Masahisa (publiées dans Takemusu Aïki, aux éditions Cénacles), il évoque de nombreux concepts métaphysiques issus de plusieurs traditions extrême-orientales. Principalement le Shintoïsme, le Taoïsme et le Bouddhisme.

Il est vrai que le japon est un pays qui a intégré au cours de son histoire la richesse spirituelle de grandes traditions. Non pas que cela se soit produit par accident, ni non plus en raison d’une supposée nature dominatrice et belliqueuse des hommes de religion, mais plutôt par des lois mystérieuses qui rendent inéluctable la présence de moyens d’éducation adéquates (l’éducation s’entend ici dans sa plus haute efficience, celle de transformer la conscience d’être et l’état de participation à la cohésion universelle) pour les êtres destinés à réaliser les états d’Union à la Totalité Universelle. Non, l’éducation spirituelle n’est pas un apprentissage intellectuel qui consiste à adhérer à des considérations conjoncturelles. Elle est faite d’une science mettant en œuvre des actions agissant dans les composantes physiques, psychiques, mentales et essentielles de l’individu pour le transformer existentiellement, pour n’être plus un individu, mais un “Coopérateur Céleste” (pour paraphraser Tchoang-Tzeu commentant le Tao-Te-King). Pour vivre d’une autre façon.

On ne décide pas d’adhérer à une tradition, on y est appelé malgré soi…

Dans la tradition extrême-orientale et plus particulièrement dans le Taoïsme, la Manifestation, c’est-à-dire l’ensemble de tout ce qui se manifeste de façon transitoire en tous lieux et de tout temps, peut-être vue comme l’expression de Trois Puissances énumérées de la sorte : Tien-Ti-Jen. Cette triade peut être traduire trivialement par Ciel-Sol-Homme, mais métaphysiquement il faut la comprendre comme Le Pôle Essentiel-Le Pôle Substantiel-L’Animé.

Dans cette représentation, l’Animé est ce qui se tient entre deux Pôles et comme la plupart des traditions l’évoquent dans leur doctrine de l’Existentiation, l’Animé “Est” à partir du moment où le Ciel et la Terre se séparent. L’Animé résulte de la distinction (apparente du point de vue de l’Unité de la Totalité Universelle) de deux Pôles. L’Animé, sous le point de vue le plus simple, s’étire donc entre Essence et Substance, entre Conscience Unitive et Néscience.

L’individu n’est qu’une participation contingente de ce Macrososme. Et même s’il est à son image (et c’est ce qui lui donne l’opportunité de pouvoir s’identifier, s’Unir à Celui-ci) il n’en reste pas moins que dans son état d’individu non encore “éveillé” il n’incarne qu’une singularité de l’indéfinie diversité des natures individuelles dont la somme recouvre l’ensemble des aspects se cristallisant entre chaque pôle. Ainsi certaines natures individuelles seront plus proches du Pôle essentiel, d’autres plus proches du Pôle Substantiel, d’autres tendront à passer au-delà des deux Pôles.

“Suivez-moi en esprit, par delà la lumière, jusqu’au principe yang de toute splendeur ; et, par delà l’obscurité, jusqu’au principe yin des ténèbres. Suivez-moi maintenant, par delà ces deux principes, jusqu’à l’unité (le principe suprême) qui régit le ciel et la terre, qui contient en germe et de qui émanent le yin et le yang, tous les êtres. Connaître ce Principe, c’est la science globale, qui n’use pas. Se tenir en repos, dans sa contemplation, voilà ce qui fait durer toujours. • Tout être qui se conserve, garde sa vigueur. Moi j’ai embrassé l’Unité, je me suis établi dans l’Harmonie. Voilà douze cents ans que je vis, et mon corps n’est pas affaibli.” Tchoang-Tzeu Les Pères du système Taoiste, 11-C

Le principe de distinction induit une discontinuité, donc la multiplicité. Dès que la distinction est faite entre deux éléments, le trois apparaît nécessairement. En effet opérer une distinction entre deux éléments originellement indistincts revient à faire immerger les lois qui régissent la complémentarité de ces deux principes et de tout ce qui les sépare. Ainsi, l’unité originelle qui prévalait avant la distinction n’est nullement rompue. On peut dire que les deux Pôles se distinguent et perdurent au sein de l’Origine Unique (terme très souvent employé par O’Sensei).

Ce monde, manifestation de l’origine unique, est en fait mû par le corps et par l’esprit, c’est-à-dire par la racine des choses matérielles et la racine de l’esprit, de la même manière qu’il y a une face et un revers.

Dans le Kototama, il y a ce qu’on appelle la prédiction de Futanomi, mais il s’agit du travail du son U. 
Par la résonance du son SU, le son U est produit. Le travail du son U est le travail originel de la racine du spirituel et de la racine du matériel. Cependant à la source de l’origine de la matière et de l’origine du spirituel, il y a l’origine unique. Si l’on remonte à la racine du Pont Flottant qui est principe d’harmonie, il n’y a rien d’imparfait. Il ne faut pas oublier l’origine.
En fait, je voudrais progresser avec vous pour faire de cette Terre un véritable yahirodono. Le yahirodono est également appelé shiseidono, le lieu où les corps du ki sont ordonnés et purifiés.

Ainsi si l’on se rapporte à la Conscience on peut dire que des deux Pôles procèdent la conscience d’être pure et la conscience corporelle pure, au sein d’une Conscience Unitive. La conscience distinctive individuelle procède donc du principe de discontinuité, la diversité des êtres de la multiplicité.

Mais, malgré cette diversité, malgré cette possibilité d’être doté d’une conscience qui semble être totalement autonome, n’en demeure pas moins l’Unité, Ce qui est au-delà toutes les distinctions, Ce qui rend possibles les distinctions. Le Taoïsme évoque un lieu qui se trouve une jonction avec l’Origine Unique. Il est appelé par Lao-Tzeu “l’Entre-deux du Ciel et de la Terre.”

L’entre -deux du ciel et de la terre, siège du Principe, lieu d’où agit sa vertu, est comme un soufflet, comme le sac d’un soufflet dont le ciel et la terre seraient les deux planches, qui se vide sans s’épuiser, qui se meut externant sans cesse. Tao-Te-King Chapitre 5-C

C’est parce que la Manifestation procède ce lieu mystérieux, de cette Origine Unique, que ce point d’émergence/achèvement prend les attributs d’une Existence inconditionnée d’un état proche de la Conscience Unitive. Ainsi, nécessairement, des êtres hériteront indéfiniment, perpétuellement de cet état inaltérable. Ce sont les sages, les êtres éveillés, les Coopérateurs du Ciel. Ils ne peuvent donc pas être absents dans le déroulé perpétuel du temps. De là résulte l’inamovibilité des sciences spirituelles. Ainsi donc, malgré les mouvements apparemment chaotiques de l’histoire, dans cette mouvance tumultueuse des traditions qui se font, se défont et se mêlent, existent des mouvements mystérieux qui tissent des liens permanents vers les êtres cheminant inéluctablement vers l’éveil.

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