Le Roi Dragon N°31 – Les chiffres, mathématique des états existentiels
Il est toujours plaisant de pouvoir trouver des points d’appui simples et efficaces pour aborder la complexité de quelqu’ordre qu’elle soit.
Les doctrines de l’Unité dont ont hérité certains peuples traditionnels expriment une pensée d’une complexité à nulle autre pareille. Mais son intégration est facilitée par un mode d’enseignement adapté qui se diffuse à travers chaque aspect de l’existence. Ou pour le dire autrement chaque aspect de l’existence s’imprègne des principes métaphysiques de la doctrine de l’Unité, ce qui fait que chaque objet, chaque occasion dans l’organisation sociale, chaque histoire contée, chaque métier, chaque signe tracé, etc.. deviennent porteurs d’enseignements. Mais aujourd’hui où le mode de vie s’est imprégné d’une tempérance technologique et d’une célérité extrême, nous avons besoin de points d’entrées adéquates pour rentrer dans cette pensée métaphysique, symbolique, spirituelle.
Voyons comment les nombres peuvent nous venir en aide. Sur le plan ontologique, l’être dispose de la faculté de discernement qui lui permet de percevoir la multitude dans l’Unité. Et grâce à la faculté d’entendement il peut concevoir l’immutabilité de l’Unité malgré cette multitude. La numération est à la conjonction de ces deux facultés, dans la mesure où la succession des chiffres ainsi que la signification symbolique qu’ils portent intrinsèquement permettent le discernement de la diversité existentielle, tandis que les lois mathématiques régissant les relations entre les chiffres mènent à l’entendement de la cohésion des éléments constitutifs.
Les chiffres sont donc des supports parfaits pour entrer dans la compréhension de certains aspects importants de la pensée traditionnelle. Nous allons donc nous appuyer sur les chiffres de la tradition extrême-orientale, sur les gloses qui leurs sont associées et sur leur idéographie pour percer quelques principes du taoïsme.
Nous commencerons par étudier Un et Dix qui sont glosés comme des principes ontologiques prépondérants. De plus, lorsque ces deux radicaux sont associés dans l’idéogramme Cheu, ils désignent le sage donc l’être ayant atteint des états hautement spirituels, ce qui souligne le lien qu’entretiennent les chiffres de base avec la succession des étapes de la transformation spirituelle. Il est intéressant de noter que dans le système Kyu-Dan originel qui a été adopté par O’Sensei pour remplacer l’ancien système de grade des kobudos, il y a dix degrés pour les Dan, autant que les nombres simples.
Dans ce qui suit, pour chaque chiffre nous allons donner les gloses puis nous ferons des commentaires en rapport avec les étapes de la transformation spirituell
1
C’est le véritable début de la Voie après les étapes préparatoires (incarnées par les grades kyu), où l’individu développe à leur plus haut degré les capacités individuelles et humaines. Un peut être vu comme le rayon de la « Roue Cosmique » sur lequel le néophyte vient de faire son premier pas. Sous un autre point de vue c’est une droite dont l’indéfinité des points devra être intégrée (l’intégration est un moyen de définir le processus de la transformation spirituelle) pour passer à la dimension supérieure. C’est aussi l’unité numérique qui, lorsqu’elle sera dédoublée, donnera naissance à la dimension suivante (sur le plan géométrique, les dédoublements engendrent l’espace).Il est intéressant de noter que les trois premiers chiffres sont des idéogrammes dont la représentation graphique est horizontale. Sur le plan des principes métaphysiques l’horizontalité est associée aux possibilités individuelles, alors que la verticalité est associée aux états existentiels partant de la néscience pour aller jusqu’à la conscience universelle, en passant par la conscience individuelle. |
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10
Dix est le chiffre qui incarne la Totalisation (totalisation des nombres simples, totalisation des orients). Il est donc le symbole parfait du processus d’intégration spirituelle. Sa graphie en croix en fait l’incarnation de la complétude de l’être, horizontale (les possibilités individuelles) et verticale (les possibilités transcendantes). Nous verrons tout à l’heure que l’on peut retirer des graphies des nombres 7 et 9 des interprétations très judicieuses par rapport à ces deux directions axiales. En outre le lien avec la croix chrétienne et l’état de Perfection du Christ est parfaitement licite. Dix correspond à la croix grecque de la croix taoïste (voir ci-dessous) et désigne les quatre orients avec leur centre, il entretient donc un rapport privilégié avec l’espace, alors que le chiffre 5 dont la graphie est une croix de Saint-André est en rapport avec le début des saisons, ce qui met 5 en affinité avec la temporalité. |
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2
Le chiffre de la terre (la terre doit être entendue comme l’aspect Terrestre en correspondance avec l’aspect Céleste et non comme la planète), celui de la Perfection Passive. Comme Deux est associé aux Yin et au Yang, on doit considérer que l’on reste dans un domaine de potentialité pure. En effet le Taoïsme considère que la manifestation des êtres individués ne commence qu’à partir de Trois, comme le souligne ce verset du Tao-Te-King :
Ce stade peut être vu comme un stade où l’on commence à distinguer des principes, les premiers les plus immédiatement perceptibles étant les tendances opposées, dur-souple, entrer-sortir, relâché-tendu, monter-descendre, etc.. Il fait suite au stade où l’être vient d’entrer dans la voie et perçoit l’immensité du chemin, une longue ligne. |
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3
C’est le nombre de la célèbre triade Cie-Sol-Homme ou Tien-Ti-Jen qu’il faut mettre en relation avec la technique d’aïkido Ten-Chi-Nage. Ce stade est celui où l’être perçoit que les tendances opposées procèdent d’un principe commun. La manifestation dispose de principes organisateurs. Les éléments constitutifs d’une entité disposant d’une identité propre, sont organisés hiérarchiquement avec des lois immuables comme le haut commande le bas, le ciel enchaîne, le sol transforme, etc.. Mais comme le soulignent les gloses de l’idéogramme Wang (ci-dessus), l’Unité vient de l’unification des trois plans. On peut donc en conclure qu’au stade du Trois, le cheminant bien qu’ayant mobilisé tous les plans de l’être Esprit-Âme-Corps, il ne les a pas encore mis en cohésion. |
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4
L’idéogramme montre une enceinte fermée qui peut signifier que le cheminant est encore prisonnier des états purement individuels, mais il a fait le tour des possibilités humaines et il est prêt à s’ouvrir. C’est ce qu’exprime « qui se partage facilement en deux ». Ce stade correspond à celui où il faut produire les efforts qui vont permettre de « s’ouvrir » au domaine transcendant. Cet effort est celui où il va falloir accepter existentiellement de renoncer à son importance propre. Le taoïsme dit “réduire son moi distinct et son importance propre à presque rien”. C’est là une tâche considérable où il va falloir déjouer les pièges de l’ego qui tente de garder la main sur l’individualité. On peut dire que l’ego correspond à ce qui en l’être permet la diversité existentielle en mode “individué”. D’un certain point de vue cette une tendance antagoniste à l’unité, mais dans l’absolu sans cette tendance la diversité ne serait pas exprimée. Aussi, comme l’Unité du Tout persiste malgré la multitude, nécessairement les êtres achevant leur parcours des possibilités d’être pour faire retour à l’Union à la conscience Universelle, abandonneront-ils la tendance qui les attachait à ego. Au Quatre il faut œuvrer pour accepter ce renoncement. Psychiquement, c’est entrer dans l’amour de la voie. Physiquement c’est faire feu de tout bois et goûter à l’épuisement existentiel. |
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5
Cinq incarnent la notion de Centre. C’est le croisement des influx entre le Ciel et le Sol, c’est le centre de l’individualité, le centre du plan horizontal. C’est la croisée des chemins, parce que parvenu au centre du plan horizontal alors l’être est aligné avec les centres de tous les plans de l’être s’étageant dans la verticalité, il va pouvoir commencer la phase spirituelle de la voie, le chemin vers les états transcendants, la totalisation de toute la verticalité de l’existence. Le Cinq est donc une première phase décisive sur le plan de la transformation spirituelle. Sans doute faut-il la voir comme l’achèvement de l’initiation par rapport aux aspects temporels de l’existence. Comme nous l’avons vu lors des commentaires du chiffre Dix, Cinq est une croix de Saint-André, marquant les quatre saisons périphériques autour d’une cinquième saison centrale sans durée intervenant lors des intersaisons et plus particulièrement lors du milieu de l’année entre l’été et l’automne. Cinq est pour cette raison lié à des aspects temporels. Cinq c’est aussi la doctrine des cinq éléments (agents naturels) qui édicte les lois régissant les relations entre les cinq agents, bois, feu, terre, métal, eau (qui sont pris comme principes et non comme les éléments physiques). La théorie des cinq éléments exprime la quadripartition horizontale de chacun des plans constitutifs d’un microcosme ou du macrocosme et les lois des dynamiques énergétiques qui régissent les fonctions élémentales au cours du déroulé des cycles horaires, quotidiens, mensuels, annuels. |
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6
Il y a une étroite relation entre Quatre et Six. En effet, on peut dire que Six est l’ouverture effective (qui était en devenir au Quatre) de l’être aux dimensions transcendantes de l’existence. Le point au sommet peut être interprété comme le contact effectif de l’être avec le Céleste. A ce stade l’être va recevoir une guidance directe depuis les domaines transcendants. Sans doute conversera-t-il avec son Gourou intérieur. |
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7
Les gloses ne donnent pas de signification à ce chiffre pourtant il est possible d’en retirer assez facilement. En effet nous voyons un trait horizontal, sans aucun doute celui du Dix qui est déjà acquis à ce stade, et un trait vertical non encore rectiligne (en devenir donc). Au Sept, le cheminant a donc réalisé la perfection individuel, il a totalisé toutes les possibilités de l’horizontalité (individuelles et extra-individuelles). Par contre, il n’est pas encore en rectitude sur le plan spirituel. |
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8
Le Huit marque le stade de la séparation effective d’avec ego. Peut-être pouvons nous voir dans cette graphie représentant une symétrie verticale, la réalisation de l’identification parfaite de l’individu avec le Gourou Intérieur qui représente la Fonction Universelle (la mission désignée, 使命 shimei) dont à la charge le cheminant sur terre le temps de son incorporation. |
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9
L’axe Vertical est pratiquement rectiligne, mais pas encore dans la pleine rectitude. Placé à gauche, il indique un mouvement ascendant et semble signifier que l’être est en train de se fondre dans l’Unité. L’axe horizontal (domaine de l’individualité) semble animé d’un mouvement descendant (placé à droite), comme si l’être à ce stade se dépouillait définitivement de son rattachement à la manifestation par sa corporéité et tout ce qui conditionne l’être en tant qu’individu. Mais on peut voir aussi ce lien comme la Mission Céleste du cheminant, cette mission dont il doit s’acquitter parmi les hommes et qui le maintient en lien avec la Manifestation, avec le domaine où la vie s’exprime de façon transitoire et limitée. |
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