N°5 – Benoit – Le symbolisme traditionnel de la Tortue

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Par sa carapace, ronde comme le ciel sur le dessus – ce qui l’apparente au dôme- et plate en-dessous comme la terre, la tortue est une représentation de l’univers : elle constitue à elle seule une cosmographie ; telle apparaît-elle aussi bien en Extrême-Orient, chez les Chinois et Japonais, qu’au centre de l’Afrique Noire.

Au Japon, la tortue est le symbole de la longévité et de la stabilité du monde. Sa lenteur de déplacement évoque sa discrétion face aux événements qui rythment le monde. C’est aussi le symbole de la terre, de l’attachement à la terre.

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Le conte d’Urashima Taro

Urashima Taro fait partie des contes traditionnels japonais les plus connus, au même titre que Blanche-Neige ou Cendrillon pour nous. Son origine remonterait au Nihon-Shoki[1] ou Chroniques du Japon, composé en 720 et qui raconterait l’ancienne histoire officielle du Japon jusqu’en 697

« Il était une fois un jeune homme du nom d’Urashima Taro, qui vivait avec sa mère dans un petit village au bord de la mer. Un jour, sur la plage, un groupe d’enfants s’amusait bruyamment, ils avaient attrapé une petite tortue et la maltraitaient. Urashima Taro avait bon coeur et il voulait sauver la pauvre tortue. Urashima Taro comprit que les enfants ne libéreraient pas la tortue, et décida de l’échanger contre les quelques poissons qu’il avait pêchés dans la journée. Les garnements lui cédèrent la tortue, et il put remettre la pauvre bête à la mer.

Quelques jours plus tard, Urashima Taro pêchait en mer, lorsqu’une grosse tortue apparut près de sa barque. Le jeune homme stupéfait l’écouta : « Je suis la mère de la tortue que tu as sauvé et comme marque de ma reconnaissance, je t’invite au Palais du royaume de la mer. Monte sur mon dos, je vais t’y conduire.» Urashima Taro s’installa sur la carapace de la tortue, et ils s’enfoncèrent dans les flots. La tortue nageait, nageait, et Urashima Taro émerveillé regardait les poissons, les algues, tous ces êtres merveilleux vivant au fond de la mer. Ils arrivèrent au Palais, où tout était beau et rare, au-delà de toute imagination. La princesse, la plus belle jeune femme qu’Urashima Taro ait jamais vue, l’accueillit et lui dit : « Je te remercie d’avoir la tortue que tu as sauvée de ces méchants enfants. » Elle lui fit ensuite visiter le Palais, et lui offrit un véritable festin. Puis les poissons dansèrent pour lui, les daurades, les turbots, les poulpes… Urashima Taro vécut ainsi heureux au Palais.

Sept jours s´écoulèrent ainsi. Cependant, un soir Taro rêva de son village, et de sa mère faisant la lessive. Le jeune homme vit son village natal et soudain tout lui revint en mémoire et il devint nostalgique. Il voulut rentrer chez lui et revoir sa mère. Taro alla chez la princesse et lui dit : « cela fait déjà 7 jours que je suis dans votre palais, merci pour tout, je souhaite rentrer chez moi. » La princesse répondit : « bien sur, rentre chez toi. Je t’offre un cadeau, prend ce coffret. Mais surtout ne l’ouvre pas. » Urashima Taro remercia la princesse, prit le coffret et s’installa sur le dos de la tortue qui devait le ramener dans le monde au dessus de l’eau.

Une fois arrivé, Urashima Taro traversa le village pour rentrer chez lui, et un étrange malaise l’envahit; le village, les maisons, étaient un peu différents de son souvenir, et les gens qu’il rencontrait lui étaient tous inconnus. Il parcourut alors les rues en interrogeant un passant: « Je m’appelle Urashima Taro, où se trouve ma maison, s’il vous plaît ? »Le passant lui répondit : « Urashima Taro… Si mes souvenirs sont exacts, c’est ce jeune homme parti en mer et qui n’est jamais revenu. Mais c’est une histoire qui a maintenant cents ans, mon garçon! » Urashima Taro comprit alors que les sept jours passés au Palais étaient en fait cents années. Le jeune homme était terriblement triste à l’idée de ne plus jamais revoir sa mère. Il était malheureux et se trouvait dans une situation difficile, aussi ouvrit-il le coffret que la princesse lui avait offert. Il avait complément oublié l’interdiction donnée par la princesse. Une épaisse fumée s’en échappa et l’enveloppa entièrement, le transformant en vieillard. Maintenant il avait plus de 100 ans, il était vieux, il avait des cheveux et une barbe blanche. Urashima, épouvanté, ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. Il se dit que peut-être en ouvrant cette boîte se délivrerait-il de ce cauchemar, il ne réfléchit pas. Mais, la seconde d’après, à la place où avait été Urashima Taro se tenait un vieillard, qui se mit à pleurer tout en récitant la prière des agonisants. »

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En Chine, la tortue possède une symbolique particulièrement forte, se faisant l’allégorie du monde.

Sa masse, sa force têtue, l’idée de puissance qu’évoquent ses quatre courtes pattes plantées dans le sol comme les colonnes du temple, font d’elle un cosmophore, porteur de l’univers.

Les classiques chinois insistent sur son rôle de stabilisateur.

Les tortues représentent si bien le Monde qu’elles figurent nécessairement dans les mythes où l’on voit un Héros travailler à consolider l’ordre universel. Si quelque Génie mauvais, cassant une des colonnes du Monde, et ne lui en laissant que trois, fait basculer le Ciel et la Terre et livre l’Univers au Déluge, un Génie bienfaisant peut rétablir la stabilité en redonnant au Monde quatre colonnes faites avec les pattes coupées d’une tortue car il ne faudrait point laisser les tortues se déplacer et nager librement, ou bien les Terres partiraient à la dérive et les Eaux les engloutiraient

« Lorsque Niu-koua[2] entreprit d’aménager l’Univers, « les Quatre Pôles étaient renversés, les Neuf Provinces fissurées, le Ciel ne couvrait point partout, la Terre ne supportait pas tout le pourtour (pou-tcheou), le Feu incendiait sans s’éteindre jamais, les Eaux inondaient sans jamais s’apaiser, les Bêtes féroces dévoraient les hommes valides, les Oiseaux de proie enlevaient les débiles. Niu-koua, alors, fondit les pierres de cinq couleurs[3] pour réparer le Ciel azuré ; elle coupa les pieds de la Tortue pour dresser les Quatre Pôles ; elle tua le Dragon noir pour mettre en ordre le pays de Ki ; elle entassa de la cendre de roseau pour arrêter les Eaux licencieuses. Le Ciel fut réparé, les Quatre Pôles se dressèrent, les Eaux licencieuses furent asséchées, le pays de Ki fut mis en équilibre (p’ing), les bêtes féroces périrent, les hommes valides subsistèrent, la Terre carrée porta sur son dos, le Ciel rond tint embrassé », et l’Union (ho) se fit entre le Yin et le Yang. »

Les Chinois ont longtemps pensé qu’ils pouvaient procurer au sol la stabilité en sculptant des tortues de pierre et en leur faisant supporter une lourde stèle. Montagnes ou piliers, les colonnes qui relient la Terre et le Ciel donnent la solidité à cette architecture qu’est l’Univers.

Dans les sépultures impériales, chaque pilier repose sur une tortue.

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Mausolée de Hongwu, l’empereur fondateur de la dynastie Ming.

Il régna en Chine de 1368 à 1398.

« Jadis, montant et descendant, les Iles des Bienheureux flottaient au gré des marées ; on ne pouvait s’y tenir immobile. Elles ne devinrent stables que le jour où, sur l’ordre d’un génie de la mer, des tortues géantes les prirent sur leur dos. »

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En Inde, elle est un support du trône divin. Elle est aussi, comme en Chine, associée aux Eaux primordiales.

Avant le barattage de l’océan sur le mont Mandara[4], l’axe du monde reposait sur la carapace d’une tortue, Kûrma (l’une des incarnations de Vishnou). Le grand serpent Vâsuki avait enroulé la partie centrale de son corps autour du mont Mandara. Sur les 2 rives de cet océan se tenaient les dieux (suras) et les non-dieux (asuras). Les premiers tenaient la tête du serpent, les autres la queue, chacun cherchant à attirer à lui le mont Mandara. Ainsi fut baratté l’océan de lait (la voie lactée)

Ils prirent le serpent Vasuki (ou Sheshna) comme corde et tirèrent alternativement pour battre cet océan primordial. Ils tirèrent si bien que de l’écume, ils firent émerger de nombreux trésors, au nombre desquels Lakshmi, la déesse de la fortune, Chandra, le dieu lune que Shiva mit dans sa chevelure, Airava, l’éléphant qui devient le véhicule d’Indra, Parijata, l’arbre du paradis qui parfume le monde, ect, et le sage Dhanvantari (qui initiera la médecine ayurvédique) tenant une coupe pleine d’amrita (nectar divin) ! S’en suivit un pugilat entre dieux et asura pour s’emparer du nectar d’immortalité ! Les asura s’en saisirent les premiers, mais Vishnu, sous les traits de la ravissante Mohini, les troubla et le leur ravit pour le donner aux dieux qui, ainsi, devinrent immortels !

Notons enfin que la rétractation de la tortue dans sa carapace est une image de haute portée spirituelle dans la tradition hindouiste : elle est symbole de concentration, de retour à l’état primordial, et donc d’une attitude fondamentale de l’esprit. Lorsque, dit la Bhagavad Gitâ[5], telle la tortue rentrant complètement ses membres, il isole ses sens des objets sensibles, la sagesse en lui est vraiment solide (2, 58).

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Pièce provenant du temple d’Angkor Cambodge.

Yu le Grand (+/- 2000 ans avant l’ère chrétienne), parcourut le monde pour « mesurer la Terre » et divisa la Chine en neuf provinces, une au centre, huit aux quatre points cardinaux et aux quatre points intermédiaires.

La division en neuf lui fut inspirée par le diagramme appelé Lo-chou ou « Écrit du Lac » qui, suivant la « légende », lui avait été apporté par une tortue et dans lequel les neuf premiers nombres sont disposés de façon à former ce qu’on appelle un « carré magique».

L’autre diagramme traditionnel, appelé Ho-tou ou « Tableau du Fleuve », et dans lequel les nombres sont disposés en « croisée », est rapporté à Fo-hi (Fuxi) et au dragon comme le Lo-chou l’est à Yu le Grand et à la tortue.

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Tablette Mystique tibétaine

Selon l’explication de Carus, elle représente une grande tortue qui révéla les Huit Trigrammes à Fu-hi avec les 12 signes du zodiaque. La petite tortue, au centre est celle qui révéla le carré magique Lo-chou à Yu le Grand.

Les 9 Sections du Hong fan (le grand Plan) commandaient, nous dit-on, le plan du Ming t’ang, Maison du Calendrier, où le Chef assurait une juste répartition des sites de l’Espace-Temps et distribuait, à temps réglés, entre ses fidèles, les domaines de tous les quartiers de l’Empire.

Cette division faisait de l’Empire une image de l’Univers. La province centrale était appelée « Royaume du Milieu » (Tchoung-kouo ).

René Guénon nous indique que … « Ce centre était une émanation ou un reflet du centre spirituel suprême, c’est-à-dire du centre de la Tradition primordiale dont toutes les formes traditionnelles régulières sont dérivées par adaptation à des circonstances particulières de temps et de lieux … »

« …Le Ming t’ang[6] signifie littéralement « Temple de la Lumière ». Le caractère ming est composé des deux caractères qui représentent le Soleil et la Lune ; il exprime ainsi la lumière dans sa manifestation totale, sous ses deux modalités directe et réfléchie tout à la fois, car, bien que la lumière en elle-même soit essentiellement yang, elle doit, pour se manifester, revêtir, comme toutes choses, deux aspects complémentaires qui sont yang et yin l’un par rapport à l’autre, et qui correspondent respectivement au Soleil et à la Lune, puisque, dans le domaine de la manifestation, le yang n’est jamais sans le yin ni le yin sans le yang…»

Une application divinatoire.

M. Chavannes a étudié des fragments d’écaillé de tortue qui ont été exhumés en 1899 dans le Nord de la province chinoise de Ho-nan. Ces écailles de tortue servaient à la divination ; après les avoir perforées d’endroit en endroit, on les exposait au feu et les craquelures qui se produisaient étaient interprétées par l’augure. Les inscriptions qui sont gravées à la pointe sur ces morceaux d’écaillé nous révèlent que nous sommes en présence de textes d’une très haute antiquité. Les esprits qu’on consulte sur l’avenir sont les empereurs défunts de la dynastie des Yin qui régna dans le second millénaire avant notre ère ; on les interroge sur la pluie, sur la moisson, sur la chasse : il est vraisemblable que ce sont les derniers empereurs de cette même dynastie qui s’adressaient ainsi à leurs ancêtres pour être informés sur ce qu’ils devaient faire. Non seulement ces fragments d’écaillé de tortue nous reportent aux plus anciens temps de la civilisation chinoise, mais encore ils nous renseignent sur les procédés au moyen desquels on pratiquait la divination.

Chez les Tohono O’odham (le Peuple du Désert) d’Arizona et les Comcáac du Désert de Sonora c’est la tortue qui a planté le cactus saguaro géant et en est resté la gardienne. Pourtant, chez ces indiens du désert de Sonora et d’Arizona, la tortue était consommée puis les restes utilisés de toutes les façons possibles, comme boîtes à bijoux, instruments de musique, jouets de bébés, poupées de jeunes filles, ou bien encore entraient comme ingrédients dans les préparations pharmaceutiques.

Pourtant il existait une régulation de cette consommation par la croyance en des tabous. Chez ces indiens du désert, avoir une tortue en captivité chez soi c’était s’attirer le malheur. Plus aucune herbe ne pouvait pousser et la malédiction tombait sur le village, les enfants pouvaient ne plus grandir, les femmes ne mettre au monde que des filles. Un nid de tortues était un lieu sacré qu’il était interdit de toucher. Et le ramassage de tortues à des fins alimentaires devait se faire uniquement sous certaines conditions, en des lieux et des moments précis. Transgresser une interdiction concernant les tortues était l’assurance de s’attirer la maladie. Les populations de tortues se maintenaient donc malgré tout, ce qui n’est plus le cas depuis l’arrivée de l’homme blanc et de la « civilisation ». La tortue attirait aussi le malheur sur l’homme impoli, criminel, ou tout simplement malfaisant. Et seule une tortue pouvait conjurer les sorts qui lui étaient attribués.

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Artisanat des indiens Tohono O’odham, un serpent entourant une tortue

Dans l’initiation islamique (Taçawwuf)

« On rapporte que le Cheikh Abû-l-‘Abbâs al-Mursî[7] a dit :  » La tortue élève ses petits par le regard. De la même façon, le maître éduque son disciple par le regard. La tortue pond ses oeufs sur la terre ferme et les place en direction de la rivière, puis elle les regarde et Dieu les fait grossir et éclore et ce par le regard que porte sur eux la tortue ».

La ponte de l’œuf peut être mise en correspondance avec la transmission de l’influence spirituelle qui détermine l’initiation virtuelle[8]. Il y aurait aussi un rapport avec la notion de « germe » initiatique dont parle René Guénon ;

Le regard porté par la mère tortue symboliserait quant à lui, sans exclure d’autres sens possibles, le lien initiatique existant désormais entre le Maître et le disciple ou la silsila[9]. Ceci semble présenter un rapport évident avec le symbolisme polaire et axial du regard de Dieu vers la création dont on peut même dire qu’il en est la transposition directe. De manière plus générale on pourrait considérer ce regard comme le support de la descente des influences spirituelles.

En rapport avec le symbole de l’œuf du Monde, la « croissance » de l’œuf peut ainsi être vu comme un symbole de la réalisation effective de l’individualité intégrale suite à l’assimilation des influences spirituelles du maître spirituel. Son « éclosion » correspondrait quant à elle à l’ « ouverture du Cœur » c’est-à-dire à la sortie du Cosmos et à l’accession au domaine supra-humain.

En orientant ces œufs vers la rivière, la mère tortue les place dans une position leur permettant de rester sous son regard. Elle doit donc elle-même se placer entre la rivière (ou l’océan) et ses œufs, et même, dans l’océan. Elle constitue ainsi, en quelque sorte un « repère » ou un « indicateur » pour les bébés tortues et les invite à la rejoindre dans l’océan de la Connaissance ou de l’Amour divin. Il y aurait donc là lieu de considérer plus particulièrement ce que Guénon appelle la « remonté du courant », qui n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le hizb el-Bahr (oraison de la Mer), l’oraison châdhilie par excellence. De plus la mère tortue s’identifie en quelque sorte elle-même à l’océan. (voir ci-dessus dans la tradition hindoue et le barattage de l’océan sur le mont Mandara)

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[1] Le Nihon Shoki, Annales ou Chroniques du Japon), aussi appelé Nihongi et achevé en 720 a été rédigé par le prince Toneri, Ō no Yasumaro et d’autres historiens de l’époque. Cet ouvrage écrit en pur chinois constitue l’une des rares sources officielles écrites sur l’histoire des origines du Japon après le Kojiki. Tous deux décrivent l’origine divine de la famille impériale japonaise.

[2] Niu-koua est un personnage de la mythologie chinoise dont l’origine remonte à l’antiquité. Déesse créatrice, elle a façonné les premiers hommes avec de la glaise, leur a donné le pouvoir de procréer, a réparé le ciel brisé. Sœur et épouse de Fo-hi (ou Fuxi)

[3] Ces cinq couleurs sont le blanc, le noir, le bleu, le rouge et le jaune, qui dans la tradition extrême-orientale correspondent aux cinq éléments, ainsi qu’aux quatre points cardinaux et au centre.

[4] On ne saurait mieux définir le mont Mandara que par les paroles d’Arjuna, lui-même, avant de monter au paradis d’Indra : « Ô montagne, tu es le refuge perpétuel de saints ermites à la conduite vertueuse, qui cherchent le ciel !C’est par ta grâce, ô montagne, que brahmanes, kshatriyas et vaishyas atteignent le ciel et débarrassés de leurs angoisses s’ébattent librement avec les êtres célestes ». (Mahâbhârata, Vana Parvan, XLII. )

[5] Bhagavad Gitâ : terme sanskrit se traduisant littéralement par « chant du Bienheureux » ou « Chant du Seigneur ». Partie centrale du poème épique Mahâbhârata. Ce texte est un des écrits fondamentaux de l’Hindouisme souvent considéré comme un « abrégé de toute la doctrine védique »

[6] Édifiée au milieu de la province centrale, la résidence de l’Empereur (Ming-Tang) reposait sur une base carrée représentative de la Terre couverte d’un toit de chaume circulaire symbolisant le Ciel et soutenu par huit piliers.

Chaque façade du Ming-Tang était associée à une saison et percée de trois ouvertures en rapport avec les mois de la saison.

Comme le soleil dans son mouvement apparent, l’Empereur effectuait une circumambulation dans le Temple en partant du centre pour y retourner à la fin du cycle. Au cours des douze mois de l’année, il se plaçait devant chacune des douze ouvertures pour y promulguer les ordonnances destinées à réguler le pays selon les saisons. D’où, l’appellation de “Maison du Calendrier” donnée parfois au Temple. L’Empereur apparaissait comme le régulateur terrestre de l’ordre céleste. Cela passait par la prise de mesures dans tous les sens du mot. Au sens littéral, il s’agissait de mesurer les salles du Temple entourant la salle centrale à l’aide d’équerres.

[7] Saint soufi andalou qui émigra en Egypte, vers la fin de sa vie (1219, Murcie – 1287). Il est attesté qu’Abul-‘Abbas al-Mûrsi accompagna le Cheikh Abu-l-Hassan Châdhili et devint le guide de la Tariqa (Voie initiatique) après lui.

[8] On parle d’initiation virtuelle tant qu’un être, ayant reçu une influence spirituelle, à l’état de germe, n’a pas effectué le travail nécessaire à la prise de conscience effective des états supérieurs de son être. Cette méthode d’enseignement revient à la seule transmission de l’influence spirituelle et de l’enseignement.

[9] Une silsila, dans le soufisme, est une chaîne initiatique de transmission spirituelle qui remonte jusqu’au Prophète Muhammad.

Sources :

Dictionnaire des symboles, Mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres Alain Gheerbrant, Jean Chevalier.

René Guénon La Grande Triade, René Guénon, éd. Gallimard, 1957

René Guénon, À propos du rattachement initiatique, Revue Études Traditionnelles, janv.-fév.-mars 1947, repris dans le recueil posthume Initiation et réalisation spirituelle

Marcel Granet : La pensée chinoise (1934)

La Mythologie hindoue, son message – Jean Herbert – Éditions Albin Michel

Site : Le Porteur de Savoir – Éditions pour le Soufisme – Taçawwuf. L’EDUCATION DES « ENFANTS DE LA TORTUE »

Ibn ‘atâ Allah al-Iskandarî (Tâj el-‘arûs)TRAD. franç. Sidî Abdallah Penot

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