Le Roi Dragon N° 21 – Au Cercle Christian Tissier

Ce samedi 26 janvier avec quatre de mes élèves nous nous rendons à Vincennes pour participer à un stage animé par Christian Tissier Shihan.

C’est un petit Dojo auquel on accède par une issue improbable coincée entre une brasserie et une agence immobilière. Une longue enfilade étroite nous conduit à un minuscule patio où se trouve la porte menant à l’accueil du dojo. Derrière un grand comptoir en L, Nadia nous reçoit toujours bienveillamment pour les inscriptions. Le cours a commencé. Nous nous dépêchons. Tout est très exigu. A gauche le vestiaire des femmes, à droite perpendiculaire au comptoir un couloir repart pour longer le dojo et nous conduire au vestiaire des hommes tout au fond du bâtiment. On passe devant une salle où le cours de karaté de Maître Pierre Berthier se prépare. Quelques karatékas s’échauffent, d’autres sont encore dans les vestiaires.

 

Le Dojo du Cercle Christian Tissier n’est à nul autre pareil. Cela fait plus de trente-cinq ans que j’y viens. Il est devenu pour moi, au fil du temps, un véritable Centre, un authentique Retour au Centre avec tout ce qu’il y a d’éprouvant dans ce mouvement si particulier. Au sein de ses murs s’inscrivent trois temps de ma vie d’aïkidoka. Le temps de la jeunesse et de l’insouciance où j’y venais le plus souvent possible. Il a été aussi un lieu où je dormais lors des stages de plusieurs jours. D’ailleurs je ne remercierai jamais assez Christian Tissier de m’avoir laissé ce lieu ouvert alors qu’il y avait relâche et de m’avoir laissé pratiquer gracieusement les cours du soir lors des stages de Pâques et d’hiver. Il a y eu ensuite la période d’absence où pendant quelques années j’ai été peu élève et où j’ai délaissé ce lieu précieux. Puis est venue la troisième période, celle du retour. Je me souviens encore avec une grande netteté, l’effroyable sensation qui m’a habitée ce samedi où j’ai repris le chemin vers le Cercle. J’étais totalement laminé. Par la suite ce sentiment sera à chaque fois présent de façon plus ou moins intense à chaque retour (venue), ainsi que pendant les jours qui précèdent le déplacement. Je ne comprends toujours pas pourquoi je suis à tel point affecté par ces sensations.

Mais il n’est plus temps de se remémorer ce qui a été. Dans le Dojo une centaine de pratiquants sont déjà à l’oeuvre. On entend les chutes. Je suis impatient de les rejoindre. Il y a un enseignement si riche, si subtil si puissant que j’ai hâte de m’y fondre.

L’enseignement de Maître Christian Tissier est fait de période pendant lesquels nous allons travailler un même principe un même élément structurant. C’est parce qu’un aspect subtil s’est fait jour à lui, qu’il nous le retransmet sans attendre et sans aucune retenue, avec une générosité rarement égalée. Aujourd’hui, comme il y a déjà quelque mois, nous travaillons la réception d’une frappe frontale (shomen, jodan tsuki, men ushi, etc..) avec l’avant-bras qui s’élève, le point tourné vers soi pour que la face extérieur de l’avant-bras absorbe l’attaque.

Ce nouveau cycle d’enseignement, fait suite et complète une phase précédente où l’on réceptionnait ces mêmes attaques avec le bras montant dans une sorte de grand kokyu en d’arc de cercle vertical. Pour celle-ci c’est le tranchant de l’avant-bras qui absorbait l’attaque. Mais la distance et le timing restent les mêmes.

La difficulté de ces entrées sur attaque frontale pour exécuter par la suite irimi nage, est particulièrement aiguë. Généralement le bras de l’attaque constitue un véritable obstacle. Christian Tissier Shihan souligne que ce sont nos intentions qui construisent l’obstacle. A focaliser notre attention sur le bras, à focaliser nos intentions sur le désir de relever le bras, nous négligeons un placement rigoureux qui nous conduit à laisser l’attaque devenir une barrière infranchissable incontournable.

Par la conjugaison de ces deux manières de faire je commence à comprendre que la distance au coude de l’attaquant est un point clé fondamentale. Il y a certainement dans une rencontre (physique ou virtuelle) avec l’attaquant à une distance précédant le coude une solution fondamentale.

Il est bien entendu que ce seul aspect de l’entrée ne suffit pas à résoudre toute l’équation de la technique. Précédemment à ce travail sur la distance il aura fallu construire la possession de la fortification indéfectible de son espace vital. Il y a, il me semble, deux temps pour accéder à cette résolution. Le premier pourrait s’appeler “trouver ses hanches”. Le deuxième “trouver ses mains” ou encore “trouver sa main-sabre” (Te-Katana : voir cet article). Trouver ses mains c’est avoir atteint un état où l’on sait avec certitude que l’on peut réceptionner n’importe quelle attaque sans que son centre soit déstabilisé, sans que les bras ne fléchissent, sans que l’attaque n’entre dans son espace vital. Trouver ses hanches c’est avoir atteint l’état où l’on ressent presque physiquement l’invariabilité d’un point situé en son ventre. La verticalité et l’horizontalité de l’être passent par ce point. Tout s’organise autour de ce point. C’est un point d’appui et un point de passage de toutes les sensations.

Mais revenons à ce samedi 26 janvier. Une fois la distance au coude franchie, il faut laisser passer (c’est là aussi une problématique que Christian Tissier développe longuement)

et entrer dans une distance épaule contre épaule, qui devient un point de pivot de toute la technique.

Se matérialise alors un axe vertical qui sera la source d’une élévation spiralée engendrant un “désaxement” de l’attaquant tant latéral que longitudinal.

Désaxement latéral puis longitudinal

 Similarité au Ken