Le Roi Dragon N°7 – Le sens de la vie (I)

Complet
  • Quel est le sens de la vie ? Pourquoi la vie, la mort ?
  • Cela te préoccupe donc tant ?
  • Oui, réponds-moi, s’il te plaît !
  • Tout d’abord la mort n’est pas l’autre face de la vie. Disons qu’un mode de vie est encadré par une naissance terrestre et une mort corporelle. Ensuite je dirais que le sens de la vie consiste à percer les mystères du sens de la vie. C’est, je pense, la meilleure réponse que je puisse te faire.
  • Tu te moques de moi ?
  • Non pas du tout. Je pourrais te dire aussi que nous vivons précisément pour comprendre la vie, l’existence. C’est certainement la plus haute raison d’être de l’homme. Non ! C’est la raison d’être de tous les êtres, humains et non humains.
  • Mais pourquoi ne naissons-nous pas directement avec la réponse ?
  • Je ne peux pas répondre à cette question en une seule conversation. Répondre à cette question demande sans doute toute une vie. Et peut-être que toute une vie peut ne pas suffire. Comment puis-je dire quelque chose tout de même ? Voilà. La conscience réflexive est une faculté qui permet de se faire son propre objet de contemplation. En tant que sujet je peux me faire l’objet de moi-même, je peux me détacher de moi-même pour faire une introspection, me remémorer des moments passés, me projeter dans l’avenir. En transposant ce processus sur le plan universel on peut alors dire que la manifestation de l’homme sur terre, résulte en quelque sorte du détachement qui s’est opéré entre un Sujet et un Objet Universel. L’essence de la vie individuelle revient alors à réintégrer l’identité entre Sujet et Objet. Mais c’est un processus très complexe parce qu’un individu n’est pas l’équivalent de l’Objet Universel, mais une infime part de cet Objet Universel au regard du Sujet Universel et de la Conscience Universelle. Cependant il a la possibilité de s’identifier à l’Objet Universel. Lorsqu’il parvient à réaliser cette opération, il peut espérer être reçu par le Sujet Universel. Or paradoxalement pour se faire Objet Universel il faut se diminuer en tant qu’individu. Lao-Tzeu a dit “Les êtres se diminuent en voulant s’augmenter, et s’augmentent en se diminuant.” Le Taoïsme a une formule pour cette opération : “réduire son moi distinct et son mouvement particulier à presque rien.”
  • Je ne comprends rien de ce que tu me dis là. Tu le fais exprès pour m’égarer.
  • Non, non je t’assure que c’est sur ces aspects-là de l’existence qu’il faut user son âme pour progresser dans la compréhension de la vie, mais surtout pour modifier son mode d’existence et sa conscience.
  • Mais pourquoi tu ne dis pas que la vie c’est l’énergie !
  • Je préfère dire que l’énergie est un aspect de la vie.
  • Tu m’énerves à toujours décortiquer les choses suivant ton point de vue. Tu veux toujours avoir raison. Je m’en vais.

Quelques jours plus tard.

  • Je voudrais que nous reparlions du sens de la vie ?
  • J’espère que tu as des explications plus convenables.
  • J’espère. J’ai compris qu’il y a en toi une grande colère, que tu m’en veux de ne pas t’avoir donné plus de réponses. Tu m’as vu chercher pendant de longues années, souffrir, me transformer, sans rien te transmettre. Sans doute ai-je été trop préoccupé par la tâche qui n’incombait pour ne pas voir que tu désirais en savoir plus. Mais d’une part la quête de la connaissance est quelque chose qui doit naître au plus profond de soi et cela ne peut pas être imposé par autrui. D’autre part avant de transmettre il faut avoir acquis suffisamment de “certitude” pour que les paroles que l’on profère rapproche au lieu d’éloigner.
  • J’entends.
  • Tu m’as dit l’autre jour que la vie est énergie. Je te dirais qu’il est bien de se questionner sur l’énergie pour mieux comprendre l’homme. Tu sais que je pratique l’Aïkido et que dans ce terme il y a le mot Ki désignant l’énergie vitale. L’idéogramme du mot Ki comporte deux radicaux montrant que l’énergie vitale a deux composantes, l’une végétative, l’autre subtile. Si on pense à l’homme et son activité sur terre on peut dire qu’il mange, respire et travaille. En mangeant il entretient une énergie végétative, en respirant il entretient une énergie subtile, en travaillant il transforme. En “étant” il réalise des échanges énergétiques entre son intérieur et son extérieur. Si bien que son état de santé dépend de la qualité des rapports harmoniques qui s’établissent entre son microcosme et le macrocosme. On peut dire aussi que ces rapports harmoniques sont propres à chaque individu parce que chaque individu est unique. Ça, tu peux le comprendre ?
  • Oui je comprends.
  • Maintenant, si tu regardes le monde tel qu’il fonctionne aujourd’hui, tu vois les hommes chercher des réponses en explorant leur extérieur et en analysant tout ce qui est de l’ordre du substantiel de la matière. Par exemple, ils voient la lune, ils se demandent ce que c’est. Ils mesurent combien elle est éloignée. Ils construisent des machines pour voyager vers elle. Ils s’y rendent. Ils accomplissent ainsi des prouesses extraordinaires, mais ils ne trouvent pas, pour autant, de réponse au sens de la vie. Parce que l’incommensurable ne se comprend pas par le mesurable. L’incommensurable, c’est par exemple d’indéfinité de l’étendue, du temps, des possibilités d’être. L’espace qui se prolonge sans fin en toute direction. Le temps s’étirant depuis un passé sans début et un devenir sans terme. Considère maintenant l’espace peuplé de galaxies. En vertu de son indéfinité, on peut donc dire qu’il n’y a pas de dernière galaxie. En estimant que nous puissions voyager n’importe où dans l’espace, nous ne pourrions donc pas achever l’exploration des galaxies puisqu’elles sont en nombre indéfini. Il nous sera donc impossible d’explorer toutes les possibilités d’existences manifestes. Ça aussi tu peux le comprendre.
  • Oui je comprends.
  • Il y a d’autres aspects de l’existence qui sont incommensurables, comme le beau, le bien-être, le contentement, la volonté, l’empathie, l’amour, le discernement, l’entendement. Ce sont là des aspects de l’homme faisant partie de sa plus haute réalité qui ne sont pourtant pas réductibles à des caractéristiques mesurables. Donc, la vie ne se limite pas à ce qui peut être exploré par une mesure systématique. On peut même dire que plus on monte dans les aspects importants de l’existence, plus on sort du mesurable. Tu peux comprendre cela aussi ?
  • Oui je comprends.
  • Il faut que tu comprennes aussi, que le monde technologique c’est développé en partant du postulat que nous comprendrions le sens de la vie en s’appuyant intégralement sur ce que l’on peut reproduire expérimentalement systématiquement. Cet élan est né aussi pour prendre le contre-pied d’un monde où il était devenu impossible d’explorer le sens de l’existence par les sens intérieurs en raison d’une perte des possibilités de transformation spirituelle de l’homme. Comment dire… Lorsque l’homme ne peut plus faire l’expérience de ce que la tradition Extrême-orientale appelle l’ouverture de la conscience, il ne lui reste plus alors que les rudiments de sa tradition. Si je compare l’enseignement spirituel d’une tradition à l’enseignement de la musique, alors lorsque l’homme ne dispose plus de maîtres et d’écoles pour enseigner l’essence de la musique, il ne lui reste plus que le solfège, les gammes, et les partitions. Or le solfège, les gammes et les partitions ce n’est pas toute la musique, ce n’est pas La Musique. L’essence de la musique c’est l’accès à la maîtrise intuitive d’un instrument (matériel ou vocal) en vue d’obtenir une interprétation qui sera en adéquation avec l’esprit d’une partition. Réduire la pratique de la musique à ne faire que des gammes devient un véritable asservissement. Je pense que tu peux comprendre cette métaphore.
  • Oui c’est assez clair.
  • Attention, maintenant il ne faut pas voir dans cette occultation des traditions un mal. Tout ce qui se manifeste est par nature transitoire et cyclique. C’est une loi universelle et son constat est un élément de réjouissance. Un cycle c’est un commencement, une croissance, une apogée, une décroissance et une fin. Mais une fin appelle nécessairement un début, un hiver appelle un printemps. C’est là la réponse dans le domaine où tout est transitoire à la permanence de la vie. La perpétuation est l’image dans le domaine transitoire, de la permanence qui régit le domaine ou tout est en plénitude. Il faut comprendre que le transitoire n’est possible que par la réalité d’un domaine permanent. Il faut bien méditer cet aspect.
  • Je le méditerais.
  • Mais avant de parvenir à vivre la réalité du domaine permanent, on ne peut que croire à sa possibilité. Ce que proposent les voies de réalisation spirituelle, ce n’est pas de rester dans la croyance et dans la spéculation intellectuelle, mais c’est de faire l’expérience de son vivant de la réalité de ce domaine. Je dirais même plus, les voies proposent pour ceux qui le peuvent de s’installer définitivement dans le domaine où tout est en plénitude et en permanence. Elles proposent de faire l’expérience que la conscience et la participation existentielle ne sont pas limitées à la conscience distinctive et la manifestation individuelle. J’ajouterais cependant que la manifestation individuelle est précieuse parce qu’elle permet de cheminer vers d’autres états de participation existentielle, des états bien plus universels. En cela la vie individuelle est sacrée. Mais comprendre pourquoi et comment les voies offrent la possibilité de s’Unir à Ce qui est Immuable et Sans limites, revient à comprendre ce qu’est le sens de la vie. Il faut donc avancer et vivre des expériences de la vie subtile pour commencer à percer certains mystères et quitter progressivement la croyance en la Réalité d’un domaine non soumis à une vie transitoire pour entrer dans sa Connaissance et la vivre. Il faut donc s’interroger sur ce que sont ces voies-là. Je vais cependant te donner une clé qu’il ne faudra jamais perdre de vue, car sans elle tu pourrais croire qu’une voie ne se différencie en rien de l’enseignement intellectuel. Pour que l’homme puisse se faire l’Objet Universel dont nous avons parlé l’autre jour, il doit pour cela passer par l’Âme Universelle en usant d’un Influx Spirituel qui se manifeste grâce à une composante psychique détenue par un être ou fixée dans un autel. Cette liaison particulière avec l’Âme Universelle, le Fondateur de l’Aïkido l’appelle le “cordon du lien du Ki Universel”. Dans le soufisme l’Influx Spirituel est appelé la Baraka. Dans le Christianisme la composante psychique est identifiée au sang du Christ. En Chine l’Influx est appelé Chen qui est prononcé Kami au Japon. En Afrique occidentale cet aspect est lié au concept de Kikinu. Chez les Sioux la composante psychique est portée par la Pipe Sacrée. Le Fondateur dit qu’il faut nouer les cordons du lien de son âme aux Cordons du lien de l’Âme Universelle. Il faut donc disposer sur terre d’une proximité avec les cordons du lien de l’Âme Universelle, ainsi que des techniques et de la manière d’être adéquate qui permettent de réaliser la ligature. C’est ce que proposent les Voies. Mais attention cette ligature n’est pas le but en soi, l’Âme Universelle n’est pas le but, c’est le moyen pour entrer dans le domaine spirituel et commencer sa véritable progression spirituelle. Je peux te donner aussi une autre image qui revient à ce que je t’ai dit l’autre jour. En éteignant son âme et en étant à proximité de l’Âme Universelle, tu peux être ravivé et brûler de la Flamme de l’Âme Universelle. C’est le sens du “diminuer pour s’augmenter”. Voilà, tu n’as pas besoin d’en savoir plus pour le moment.

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