N°4 – Benoit – Symbolisme Universel de la caverne

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Avant propos

On se demande toujours, lorsque l’on pratique un art martial, quel peut être l’intérêt d’étudier les textes sacrés et les significations symboliques qui y sont enchâssées. N’oublions pas que, premièrement, les Samouraïs étaient des personnes profondément instruites et que deuxièmement le Fondateur de l’Aïkido nous exhorte de connaître l’histoire qui a présidé à la manifestation de la multitude à partir de l’Origine Unique, pour que nous puissions accéder au seul état où l’on pratique véritablement l’Aïkido :

« Il est donc nécessaire de connaître l’histoire depuis l’époque des dieux[1]. La danse sacrée que le Grand Dieu de l’origine unique a fait naître est l’apparition des dieux [Kamis]. Ceci est une grande science.»

“L’aiki ne pourrait pas être mis en pratique sans l’histoire qui commence à l’époque des dieux [même remarque que ci-dessus].”

“En ce qui concerne takemusu aiki, l’âme spirituelle individuelle jaillit scientifiquement par le moyen du corps et de l’esprit. Par conséquent, il faut absorber l’histoire des dieux [idem] au coeur même de notre pensée.”

« L’expression, employée auparavant, « l’éclosion des  techniques de formes variées par la puissance divine », signifie que le ki du vide et le ki de la vacuité émergent à travers les techniques de manière scientifique lorsqu’ils sont combinés dans la nature humaine et les techniques. L’éclosion des techniques nécessite de suivre les préceptes des ancêtres impériaux, les dits des divinités du Futanomix » du Kojiki.« 

Mais le Fondateur rappelle aussi un principe commun à toutes les Voies traditionnelles :

« La science du kototama est une science, ce n’est pas le kototama lui-même. Pour ceux qui font les études  spirituelles, obtenir la véritable force n’est pas chose aisée. La science du kototama peut être utile pour la compréhension du premier volume du Kojiki, mais là encore cela devient naturellement clair par la vertu de la foi. Lorsqu’on se laisse accaparer par les sciences et par les lettres, cela devient une gêne pour la véritable progression.« 

A l’image des Kamis qui, devant la caverne où s’est enfermée la Flamme Illuminative (Amaterasu), festoient et dansent pour faire sortir la Puissance Spirituelle en vue de ré-illuminer le monde, nous devons absorber l’histoire des Kamis au coeur même de notre pensée puis, par la perfection de nos techniques, accomplir une véritable danse sacrée et attendre que la porte de pierre s’ouvre une seconde fois (voir note 2).

Philippe

Dans les traditions d’Extrême-Orient

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La caverne est le symbole du monde, le lieu de la naissance et de l’initiation, l’image du centre et du cœur.

Elle est une image du cosmos : son sol plat correspond à la Terre, sa voûte au Ciel. L’ancienne maison des hommes chinoise, qui était une grotte, comportait un mât central, substitut de l’Axe du monde et de la Voie Royale. Le souverain devait y monter pour téter le Ciel (les stalactites de la voûte) : ainsi faisait-il preuve de sa filiation céleste et de son identification à la Voie. La caverne comporte un trou central dans la voûte, destiné au passage de la fumée du foyer, de la lumière, de l’âme des morts ou des chamans : c’est la porte du soleil, ou l’œil cosmique (examiné dans le symbolisme analogue du dôme), par où s’effectue la sortie du cosmos.

Entrer dans la caverne, c’est donc faire retour à l’origine et, de là, monter au ciel. C’est pourquoi les Immortels chinois hantent les cavernes, pourquoi Lao-tseu y serait né, pourquoi l’Immortel Liu T’ong-pin est l’hôte de la caverne. Le même caractère t’ong signifie caverne et aussi pénétrer, comprendre (les choses cachées). Dans le symbolisme taoïste, le crâne s’identifie au Mont K’ouen-Louen, centre du monde, qui contient une grotte secrète par où s’effectue le retour à l’état primordial avant la sortie du cosmos.

Le misogi et le dôjô

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C’est dans le sens d’un lieu où se produit une « résurrection » que Ô-Senseï compare le misogi et un dôjô à un cimetière :

« Il [le misogi] est, si vous me permettez de l’exprimer ainsi, comme un cimetière dans lequel les questions de vie et de mort trouveraient leur résolution. Un dôjô de budô peut lui aussi être considéré comme un cimetière, un lieu où il est possible de répondre aux questions fondamentales. La vie d’un individu tient à un fil […] Cependant vous devez fixer vos pensées sur le vide, transcender la vie et la mort et vous tenir debout au cœur de la vacuité. Tel est le secret du budô[2] ».

Pour le métaphysicien René Guénon, la caverne est le centre, l’origine, le point de départ, indivisible, l’image de l’unité primordiale.

En tant que lieu et centre, la caverne est considérée tantôt comme un réceptacle d’énergie tellurique, ceci pour la caverne souterraine, tantôt comme un lieu illuminé par rapport aux ténèbres de l’extérieur, car une initiation y a lieu et l’initiation, la seconde naissance, est une illumination.

En effet, la caverne qui serait en même temps lieu de mort initiatique et un lieu de seconde naissance, donne accès à la fois aux niveaux souterrains et aux niveaux supra terrestres. Là s’effectue la communication avec les états supérieurs et inférieurs : elle devient donc centre du monde, tous les états s’y reflétant.

René Guénon explique : mort et naissance sont les deux faces d’un même changement d’état et ce passage d’un état à un autre doit toujours s’effectuer dans l’obscurité. Pour ce, la caverne est liée au voyage souterrain et elle est comparée à la baleine de Jonas.

La caverne est aussi le lieu d’une troisième naissance : la seconde étant une initiation aux petits mystères, relevant du domaine psychique, tandis que la troisième est l’initiation aux grands mystères, une renaissance spirituelle, précédée d’une seconde mort, non pas au monde profane mais au cosmos. C’est cette troisième naissance qui est une résurrection. René Guénon ajoute que, « pour que cette résurrection, qui est en même temps la sortie de la caverne, puisse avoir lieu, il faut que la pierre qui ferme l’ouverture du sépulcre (caverne) soit enlevée[3] », ce qui est en accord avec la fin de l’histoire des gens de la caverne (que ce soit dans les textes chrétiens ou dans les textes musulmans d’exégèse coranique).

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Enfin, René Guénon souligne le caractère électif de l’initiation, en affirmant que seuls ceux qui sont aptes à entrer dans la caverne peuvent y avoir accès.

La Caverne chez Platon

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Pour Platon, ce monde est un lieu d’ignorance, de souffrance et de punition, où les âmes humaines sont enfermées et enchaînées par les dieux comme dans une caverne. Représente-toi donc des hommes, dit Platon, dans la République qui vivent dans une sorte de demeure souterraine en forme de caverne possédant, tout le long de la façade, une entrée qui s’ouvre largement du côté du jour ; à l’intérieur de cette demeure ils sont, depuis leur enfance, enchaînés par les jambes et par le cou, en sorte qu’ils restent à la même place, ne voient que ce qui est en avant d’eux, incapables d’autre part, en raison de la chaîne qui tient leur tête, de tourner celle-ci circulairement. Quant à la lumière, elle leur vient d’un feu qui brûle en arrière d’eux, vers le haut et loin. Telle est la situation des hommes ici-bas, pour Platon. La caverne est l’image de ce monde. La lumière indirecte qui éclaire ses parois vient d’un soleil invisible ; mais elle indique la route que l’âme doit suivre pour trouver le bien et le vrai : la montée vers le haut et la contemplation de ce qu’il y a en haut représentent la route de l’âme pour monter vers le lieu intelligible.

La caverne de Platon n’est ici qu’une sorte de Purgatoire, où la lumière n’est perçue que par reflet et les êtres que par leurs ombres, en attendant la conversion et l’ascension de l’âme vers la contemplation directe des Idées.

La Caverne dans Le Coran

La Caverne apparaît dans la 18e sourate du Coran qui fut descendue par 70.000 anges, selon le hadîth[4], et qui en porte le nom. Ces versets concernent l’histoire des gens de la Caverne, connus dans le monde chrétien par la dénomination « les sept dormants d’Éphèse ». Dans le texte coranique il s’agit de trois, cinq ou sept jeunes gens (et leur chien) qui se réfugient dans une caverne pour fuir un roi qui leur demandait de sacrifier aux idoles, et qui s’endorment là pendant 309 ans pour être ensuite ressuscités.

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L’histoire des « Gens de la Caverne » revêt une portée symbolique particulièrement riche : ils représentent ainsi l’éternelle jeunesse de l’amour divin, ainsi que la fidélité de l’amant envers l’Aimé au-delà de toute temporalité. La caverne évoque également le motif de l’exil, et la nécessité de quitter le monde terrestre afin de « mourir à soi-même » pour accomplir ensuite une renaissance spirituelle. Elle symbolise aussi l’amour et la miséricorde éternels, gardant vivante toute personne se réfugiant en eux. Enfin, le sommeil, qui implique « l’endormissement » des cinq sens extérieurs noyant traditionnellement la conscience dans le flot des préoccupations du monde matériel, est l’état par excellence permettant aux « sens intérieurs » et spirituels de chaque être de se réveiller et de manifester à la conscience profonde de l’homme certaines vérités spirituelles qu’il ne saurait percevoir à l’état éveillé.

Par son approche, le Cheikh[5] Qashâni avoisine celle de saint Jean de la Croix, grand mystique chrétien espagnol, qui dans sa Vive Flamme d’Amour utilise le symbole de la caverne en relation avec les puissances. Il les appelle « les profondes cavernes du sens » et explique que ce sont les puissances de l’âme : la mémoire, l’entendement et la volonté, qui sont capables de recevoir les plus grands biens, l’infini, une fois libérées de toutes les créatures. Car lorsque chacune de ces puissances est vide de tout créé, elle ressent une soif ardente de Dieu, une faim, et se fond dans l’attente.

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Pour l’un comme pour l’autre, la caverne symbolise les facultés propres à tous les êtres humains, et parce que tous deux proposent une voie de purification intérieure accessible à quiconque a la volonté (et la possibilité intrinsèque) de suivre la voie du dépouillement.

Dans la sourate de la Caverne, est relatée aussi la rencontre de Moïse avec un mystérieux personnage dont le nom n’est pas précisé dans le Coran, mais en lequel la tradition reconnaît al-Khidr (La racine KhDR désigne ce qui est vert, verdoyant).

Khidr est l’initiateur et le maître spirituel des solitaires (afrâd), dont l’initiation, voire la progression spirituelle, ne peut s’effectuer, pour une raison ou pour une autre, par le moyen d’intermédiaires humains. Une science particulière est nécessaire pour accéder au ta’wîl (interprétation), science dont le dispensateur par excellence est justement al-Khidr.

Abdu-l-Karîm al-Jîlî dans son Al-Insânu-l-Kâmil identifie Khidr au Pôle Suprême :

Il est le Pôle Unique et Totalisant, le Roi des Rijâlu-l-Ghaib, les Hommes de l’Invisible, qui sont les êtres les plus connaissant au sujet d’Allah, dont la cité se trouve dans la Terre du Sésame (Ardu-s-Simsimah), cette terre qui fut étalée du Reste de la Boue dont fut fait Adam, la Terre Blanche restée inaltérée dans sa nature primordiale, qui est le séjour des Prophètes, des Envoyés divins et des Saints où les hommes s’entretiennent avec les Anges.

Le séjour d’immortalité

Dans le Judaïsme se trouve une tradition concernant une ville appelée Luz. Ce nom était originairement celui du lieu où Jacob eut le songe à la suite duquel il l’appela Beith-El, c’est-à-dire « maison de Dieu »

René Guénon explique :… « Près de Luz, il y a, dit-on, un amandier (appelé aussi luz en hébreu) à la base duquel est un creux par lequel on pénètre dans un souterrain ; et ce souterrain conduit à la ville elle-même, qui est entièrement cachée. Le mot Luz, dans ses diverses acceptions, semble d’ailleurs dérivé d’une racine désignant tout ce qui est caché, couvert, enveloppé, silencieux, secret ; …..

Il faut voir le sens « caché » doublement :

 1) Ce qui est caché aux sens, le domaine suprasensible ;

2) et c’est aussi, dans les périodes d’occultation ou d’obscurcissement, la tradition qui cesse d’être manifestée extérieurement et ouvertement, le « monde céleste » devenant alors le « monde souterrain »….. »

Le mot Luz a ordinairement le sens d’« amande » ou de « noyau », or, nous dit encore René Guénon, le noyau est ce qu’il y a de plus intérieur et de plus caché, et il est entièrement fermé, d’où l’idée « d’inviolabilité ».

« …Le même mot luz est aussi le nom donné à une particule corporelle indestructible, représentée symboliquement comme un os très dur, et à laquelle l’âme demeurerait liée après la mort et jusqu’à la résurrection. Comme le noyau contient le germe, et comme l’os contient la moelle, ce luz contient les éléments virtuels nécessaires à la restauration de l’être ; et cette restauration s’opérera sous l’influence de la « rosée céleste », revivifiant les ossements desséchés ; c’est à quoi fait allusion, de la façon la plus nette, cette parole de Saint Paul : « Semé dans la corruption, il ressuscitera dans la gloire. » Ici comme toujours, la « gloire » se rapporte à la Shekinah, envisagée dans le monde supérieur, et avec laquelle la « rosée céleste » a une étroite relation, ainsi qu’on a pu s’en rendre compte précédemment. Le Luz, étant impérissable, est, dans l’être humain, le « noyau d’immortalité », comme le lieu qui est désigné par le même nom est le « séjour d’immortalité » : là s’arrête, dans les deux cas, le pouvoir de l’« Ange de la Mort ». C’est en quelque sorte l’œuf ou l’embryon de l’Immortel ; il peut être comparé aussi à la chrysalide d’où doit sortir le papillon, comparaison qui traduit exactement son rôle par rapport à la résurrection. »

La Lumière (du Verbe) brille dans les ténèbres” (St Jean 1,5)

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Christ est né dans une grotte creusée au flanc d’une colline de Bethléem et qui servait aux bergers. On a construit une basilique célèbre au-dessus de cette grotte, qui se trouve à la croisée du transept.

Le “moment” de la nativité : elle a lieu à minuit, selon le cycle diurne, et au solstice d’hiver, selon le cycle annuel, le solstice d’hiver étant en quelque sorte le “minuit” de l’année.

Commentant le tableau de Léonard de Vinci « La Vierge aux rochers » (Louvre) où l’on voit la Vierge, Jésus enfant et Saint Jean-Baptiste dans une grotte, Marcel Brion nous dit : « C’est la grotte des origines, la matrice universelle où la vie de chaque être et la vie de l’univers entier viennent puiser des résurrections nouvelles ». Quant à la montagne, au sein de laquelle se creuse la caverne, elle est un autre symbole du monde, plus complet et plus lumineux ; dressant la pointe de son triangle vers le ciel, elle symbolise la création dans son mouvement ascensionnel vers la lumière céleste, mouvement de retour au Créateur. Voilà pourquoi il y a des sanctuaires sur les montagnes saintes qui sont les formes visibles de la grande Montagne cosmique, tout comme il y a des sanctuaires dans les cavernes. En outre, la montagne constitue un symbole axial : les dimensions de la terre étant à peu près négligeables, par rapport à l’immensité cosmique, l’axe de la pyramide formée par une montagne quelconque se confond pratiquement avec l’Axe du monde qui passe par le pôle terrestre et le pôle céleste (étoile polaire). On peut dire que l’ensemble montagne-caverne, sombre, en bas, représente le pôle ténébreux du monde; la montagne, et surtout son sommet, offert au ciel, en représente le pôle lumineux. L’enfant-Dieu dans la caverne cosmique, représentant le monde terrestre, l’axe lumineux du rayon stellaire descendant le long de la montagne pour percer les parois de la caverne et l’illuminer sont une synthèse puissante du mystère de l’Incarnation. C’est la descente du Verbe Divin dans « les parties inférieures de la terre », comme dit l’Apôtre, jusqu’au centre obscur de la Nature afin de l’illuminer, car « Il doit tout remplir », conformément à la parole de l’Écriture : Lux in tenebris lucet, « La Lumière (du Verbe) brille dans les ténèbres (St Jean 1,5)(7).»

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L’introït de la messe à la vigile de l’Épiphanie, qui n’est qu’une même fête avec Noël, dit magnifiquement : « Tandis que le monde entier était enseveli dans le silence et que la nuit était au milieu de sa course, Ton Verbe tout-puissant, Seigneur, est descendu de Son trône royal du ciel » ; et, à la messe du jour de Noël, la lecture de l’Évangile est celle du Prologue de Saint Jean où il est dit, justement : Lux in tenebris lucet.

Notons, en passant, que la Crucifixion et l’Ascension, en revanche, ont eu lieu à midi : de « minuit » à « midi », c’est le trajet de la rédemption faisant passer le monde et l’homme des ténèbres à la lumière. La fixation de la fête de Noël au 25 décembre est significative, puisque cette date correspond au solstice d’hiver, le point où le soleil, arrivé au plus bas de sa course annuelle, recommence à s’élever dans le ciel ; cette « porte solsticiale » était appelée dans l’Antiquité, la « porte des dieux », nous dit Porphyre, c’est-à-dire le passage par où l’on s’élève aux états supérieurs. On comprend tout de suite combien ce symbolisme s’applique merveilleusement au Christ, qui est le « Soleil de justice » dont la naissance fut saluée comme celle de l’ « astre se levant d’En-Haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, pour diriger nos pas dans la voie de la paix » (St Luc 1, 78-79). Le Verbe divin reprend la Création tout entière, qui commença également par l’explosion de lumière du Fiat lux sur les ténèbres des Eaux primordiales (Gen. 1, 1-2) ; Il s’involue, pour ainsi dire, Lui-même au plus profond de la matière du monde, selon le processus d’incarnation de tout homme qui, lui aussi, « tombe » dans la matière et le corps, afin qu’au plus profond de toutes les choses et de tous les êtres, brille à nouveau la Lumière du Verbe, qui est aussi la Vie (St Jean, 1,4).

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D’un autre côté, à plusieurs reprises dans la liturgie, la Très Sainte Vierge est assimilée à la montagne ; par exemple dans ce passage de l’Office (byzantin) de la Vierge : « ô Mère de Dieu, tu es la montagne de qui a été tirée une pierre indestructible qui a brisé les portes de l’enfer ». Cette invocation s’inspire d’un verset du prophète Daniel, et la « pierre tirée de la montagne » désigne évidemment le Christ, selon l’interprétation messianique traditionnelle de ce passage du prophète.

Le Christ est la pierre, le rocher d’où jaillit l’eau de la Vie. Ainsi l’on montre, à l’entrée de la grotte de Bethléem, la source qui sortit de terre au moment de la Nativité.

« L’ étoile et son rayon correspondent à l’étoile polaire et à l’Axe du Monde. Cet axe, passant par la grotte, signifie donc que la grotte est située au centre du monde (…) et que le Christ (…) est Lui-même ce Centre de par Sa fonction de “Roi du Monde”… ».

Nous avons noté que la caverne est, de diverses manières, lieu de passage de la terre vers le ciel. Il faudrait ajouter que Jésus, s’il est né dans une caverne, y fut aussi enseveli, pendant la descente aux Enfers, avant de s’élever vers le Ciel.

Mort et descente aux Enfers d’un côté, résurrection et ascension aux Cieux de l’autre, ce sont comme deux phases inverses et complémentaires, dont la première est la préparation nécessaire de la seconde, et que l’on retrouverait également sans peine dans la description du « Grand Œuvre » hermétique ; et la même chose est nettement dans toutes les doctrines traditionnelles.

Sources :

  • René Guénon, L’ésotérisme de Dante, Chap.V : voyages extra-terrestres dans différentes traditions.
  • Symboles de la Science sacrée, ch. XXIII, « Les mystères de la lettre Nûn », ch. XXIV, « La Caverne et le Labyrinthe », ch. XXX, « Le Coeur et la Caverne », L’idée du centre dans les traditions antiques.
  • René Guénon, Le Roi du Monde, Chap. VII : Luz ou le séjour d’immortalité.
  • Dictionnaire des symboles J. Chevalier, Alain Gheerbrant
  • Qashâni, Tafsir al Qur’an al Karim lil shaykh al akbar al ‘arif billah al ‘allama Muhyiddin Ibn ‘Arabi, ed. M. Ghaleb (Beyrouth 1401/1981), p. 744.
  • Chevalier et Gheerbrant, Dictionnaire des symboles (Laffont 1982), p. 182.
  • L’interprétation ésotérique du Coran –A.A. Éditions Beya
  • Comprendre l’essence du budo, Philippe Doussin, Budo Eds
  • Morihei Ueshiba, Aïkido : Enseignements secrets, Budo Editions, page 79
  • Michel Vâlsan : Les derniers hauts grades de l’Écossisme et la réalisation descendante
  • René Guénon. Les Dossiers H. L’Âge d’Homme, Lausanne. 1984.Jean Hani: La contribution de René Guénon à l’intelligence de l’Art Sacré: l’exemple de l’Icône de la Nativité
  1. il aurait été préférable de conserver le terme Kami plutôt que de la traduire par dieux, puisque le Fondateur affirme par la suite de l’Unicité de ce qui est seul à véritablement exister.
  2. Voilà deux citations du Fondateur de l’Aïkido, extraites de ses conférences traitant de l’état Takemusu Aïki, évoquant le passage au pays des morts pour connaître l’éveil. Ce lieu est un lieu sous la terre comparable à une caverne : « Aussi faut-il attendre l’Éveil pour que le véritable budo puisse exister. »  « C’est par la descente au pays des morts d’où s’était échappée la vie d’Izanagi qu’il faut accomplir l’Éveil. » (Note de Philippe Doussin)
  3. Voilà un Doka du Fondateur de l’Aïkido évoquant l’ouverture de la porte de pierre de la caverne en laquelle s’était enfermée Amaterasu. « La Voie est accomplie / La gloire des Kami étincelles / La porte de pierre est une seconde fois ouverte / Et le Pont Flottant du Ciel se manifeste » (Note de Philippe Doussin)
  4. Les hadiths sont, après le Coran, la deuxième source de la tradition musulmane. Ce sont des paroles du Prophète qui ont été transmises tout d’abord oralement au moyen d’une chaîne d’intermédiaires jusqu’à l’époque où un certain nombre de compilateurs les ont rassemblées dans des recueils. La « solidité » d’un hadith dépend de celle de sa chaîne de transmission : celle-ci doit en principe faire figurer tous les intermédiaires qui font remonter la parole citée jusqu’au Prophète.
  5. Maître, Modèle.

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